Le COVID-19 a conduit le gouvernement à prendre des mesures extrêmes pour « sauver » des entreprises.
Mais ne sont-elles pas excessives dans la mesure ou elles conduisent à causer un préjudice considérable aux petits propriétaires bailleurs, c’est-à-dire des familles souvent modestes, déjà lourdement pénalisées dans un passé récent ?
La « loi » (ordonnance « COVID-19 » du 20 mai 2020) n’a -t- elle pas porté une atteinte définitive aux contrats de bail ?
- Les résidences gérées, et en particulier les résidences de tourisme, ont proliféré grâce à un modèle économique trompeur ([1]) …
… extrêmement profitable pour les vendeurs et les gestionnaires-locataires, coûteux pour l’Etat, et spoliateur selon les propriétaires-bailleurs, se voyant imposer des baisses drastiques de loyer ([2]), privés aujourd’hui massivement de la perception de leurs loyers.
Prisonniers de ce « système », les bailleurs devinrent la « variable d’ajustement » ([3]) des difficultés de gestionnaires fréquemment sous capitalisés.
Ainsi, ceux-ci réussirent étonnamment à contraindre leurs bailleurs d’accepter des « mutualisations » « simplificatrices » de loyers entre résidences d’un même groupe.
Mal informés… ces bailleurs ignoraient qu’une telle « mutualisation » nuisible avait pourtant poussé le législateur à légiférer ([4]) dans un but de transparence.
Méconnaissant la réalité de chaque résidence ([5]), ces bailleurs, incités en cela par d’aucuns, « acceptèrent » des baisses de loyer considérables entre 2010 et 2020…
- Période de confinement : exigences des preneurs
Via le SNRT (Syndicat National des Résidences de Tourisme), les preneurs ont réclamé une baisse durable et disproportionnée des loyers et prétendu « compenser » cette baisse par des « facilités » consenties par les banques, sur invitation de la Fédération Bancaire Française (FBF).
Celle-ci, par lettre du 19 mai 2020, aurait bien « invité » ces banques à ces « facilités » « bienveillantes », mais en vain…
Les gestionnaires, s’appuyant sur des raisonnements juridiques divers ([6]) mais infondés ([7]), ont ainsi tenté d’imposer pour l’avenir ([8]) (et parfois réussi) des impayés de loyer sur des périodes diverses (sous réserve des baux à examiner de près par un professionnel).
De très nombreux bailleurs se sont opposés à une privation des loyers ([9]), notamment par voie de pétition.
La pandémie évoluant vers un déconfinement progressif, le sort réservé aux résidences « saisonnalisées » se révèle à fin août 2020 globalement satisfaisant.
En effet, les résidences saison « hiver » et « été » n’ont subi pratiquement aucune baisse de chiffre d’affaires, selon les principaux dirigeants de ces résidences ([10]) : « après 3 mois perdus, la haute saison va être préservée … » ([11]).
Et, pourtant, des gestionnaires ont annoncé publiquement qu’ils « ne paieront pas les loyers ».
- Selon la loi, les loyers doivent être payés
La loi pose en effet depuis toujours un principe intangible : le respect des conventions légalement formées, et l’impossibilité de les modifier unilatéralement.
Ainsi, le contrat doit être exécuté « de bonne foi » (article 1104 du code civil).
Ce qui implique que le locataire ayant perçu une partie des 18 milliards d’euros d’aides déversées par le gouvernement doit prendre en compte que le propriétaire, qui n’a perçu aucune aide de quiconque, doit voir ses droits respectés, comme l’a rappelé très récemment le tribunal judiciaire de Paris.
Selon Bruno Le Maire, ministre de l’Economie : « les loyers des petits bailleurs doivent être payés ». En effet, ce sont eux qui, en quasi-totalité sont propriétaires en résidences gérées.
La députée Françoise DUMAS a demandé aussi à ce que les loyers des petits propriétaires soient payés.
Même demande de la part du chef de cabinet de Bruno Le MAIRE.
Enfin, la loi d’habilitation n° 2020-290 du 23 mars 2020 (urgence sanitaire) a clairement posé le principe du respect des droits des bailleurs, même « en cas de modification des obligations » des preneurs.
Dès lors, les ordonnances ne respectant pas ces conditions, ne peuvent qu’être contraires à la Constitution.
C’est dans ce contexte que se déroulent des conciliations amiables ou judiciaires.
- La conciliation amiable
Depuis le confinement, les preneurs à bail négocient avec des associations de bailleurs une baisse des loyers, temporaire ou durable, ou les deux.
Ce qui postule que par souci de transparence, a minima, les comptes d’exploitation de la résidence soient communiqués.
La jurisprudence a condamné les preneurs ne se pliant pas à cette obligation.
Pourtant, certains groupes (LAGRANGE, ODALYS, NEHÖ…) refusent obstinément de se plier à cette obligation.
La connaissance des comptes (partiels) des résidences ne constitue pas pour autant le seul moyen d’apprécier le « juste prix » du bail.
En effet, aux termes de la loi, la valeur locative d’un bien s’apprécie uniquement selon les dispositions de l’article L. 145-33 du Code de commerce.
Méconnaissant fréquemment ce texte, la plupart des propriétaires-bailleurs se fie, par facilité (?) – qui se révèle à long terme coûteuse – aux « propositions » de baisse des preneurs.
Intermédiaire entre la conciliation amiable et la conciliation judiciaire, la « médiation » nouvellement votée ([12]), s’impose au sujet des « petits litiges » ([13]), mais exclut les demandes portant par exemple sur la résiliation d’un bail associée à une demande de paiement de loyer ([14]).
- La conciliation judiciaire « COVID-19 »
En droit :
La conciliation judiciaire prévue l’article L. 611-4 du code de commerce, complété par un texte « COVID-19 » nouveau porte une atteinte considérable notamment aux droits des « petits propriétaires-bailleurs » (article 2 de l’ordonnance du 20 mai 2020).
En effet, en substance, selon le texte, notamment si le « créancier appelé à la conciliation n’accepte pas la suspension de l’exigibilité du loyer, le Président du Tribunal [saisi par requête non contradictoire] peut interrompre ou interdire toute action en justice ».
Le Rapport au Président de la République, exposant les motifs de ce texte, reste muet quant aux conséquences qu’il aura sur le sort des « petits bailleurs » que les promesses du législateur, comme l’exécutif, ont pourtant entendu préserver.
Surtout, cette ordonnance viole :
– l’article 493 du code de procédure civile ([15]), lequel déroge de manière restrictive au principe du contradictoire,
– et les articles 1 du Protocole additionnel et 6 de la Convention EDH (droit de propriété, et droit à un procès équitable) …
En l’espèce :
« Les bailleurs en résidences gérées (résidences de tourisme) « … sont victimes », comme mentionné supra, « d’un modèle économique … qui a conduit à une baisse des loyers », et aux impayés.
Leur incapacité à rembourser les crédits contactés pour acquérir ce bien risque de conduire au surendettement d’un très grand nombre de familles ([16]), si la conciliation n’en respecte pas leurs droits.
Celle-ci étant conçue pour « sauver » des sociétés en fait sous capitalisées, bien que détenues pour certaines ([17]) par des fonds d’investissement, et bénéficiant selon la plupart d’aides gouvernementales diverses (exonération de cotisations patronales et décrit de cotisations sociales, suspension des loyers depuis mars 2020, chômage partiel, PGE, …).
Dans certains cas, le conciliateur s’est contenté d’envoyer un mail informatif de la conciliation, dont l’accès au contenu serait conditionné au fait de renseigner son email et d’en accuser réception … sans pour autant que soit entreprise la moindre analyse contradictoire des résidences concernées…
La « conciliation » parait ainsi irréaliste tant il est vrai qu’elle suppose de se pencher sur chaque résidence prise isolément, comme le prévoit la Loi Novelli, afin d’apprécier, à cet échelon, et au cas par cas, les mesures de conciliation juridiques, économiques à prendre éventuellement, résiliations des baux incluses.
Dans ces conditions la seule alternative consisterait à entreprendre les procédures adaptées, qui seront exposées ultérieurement.
Pour la SCP Gobert & Associés
[1] Publicité mensongère : voir enquête de la DGCCRF (https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/investissements-dans-residences-tourisme).
[2] « baisses pouvant aller jusqu’à 70 % du montant du loyer initial » selon la DGCCRF (ibid).
[3] https://www.legavox.fr/blog/scp-gobert-associes/residences-tourisme-consequences-covid-paiement-29029.htm
[4] Loi Novelli de 2009, article L. 321-2 du code du tourisme, pour « éviter que le gestionnaire ne masque pas les difficultés d’une résidence par les résultats bénéficiaires d’une autre » (note Anne-Lise COLLOMP, conseiller référendaire à la Cour de cassation, sous un arrêt n° 16-21.460).
[5] Ancienneté, travaux, zone de commercialité et d’attractivité,…
[6] « Force majeure », « fait du prince », « défaut de délivrance du bailleur » et « exception d’inexécution », …
[7] Résidences de tourisme et conséquence du covid-19 : le paiement du loyer est dû par les gestionnaires.
[8] Lettre de Mr Bensaid, Directeur Général de Popinns (DG URBANS) mai 2020
[9] https://www.gobert-associes.fr/competences-gobert-avocat/corona-virus-covid19/
[10] Patrick Labrune, nouveau président du SNRT, a annoncé le 17 juin 2020 que : « Il y a une reprise spectaculaire des réservations dans le secteur du tourisme ».
Selon Grégory Sion, directeur général de Pierre & Vacances : « La France sera très clairement la destination de cet été 2020. Depuis les annonces de déconfinement du 28 mai, nous observons chez Pierre & Vacances une forte demande pour les résidences, avec deux fois plus de réservations, comparé à l’an dernier à la même période. ».
[11] Déclaration de Patrick LABRUNE, président du SNRT et de GOELIA. Les dirigeants de PIERRE ET VACANCES ont fait des déclarations similaires.
[12] Article 750 du code de procédure civile.
[13] Litiges dont le montant de la demande n’excède pas 5000 € ; procédure qui s’avère en pratique inutilisable : La Semaine Juridique Edition Générale n° 14, 6 Avril 2020, 408, Les FAQ Réforme de la procédure civile, une nouvelle forme de communication de la Chancellerie.
[14] Ibid.
[15] « L’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. »
[16] Selon la DGCRF : « en 2014, la France comptait 2 266 résidences de tourisme représentant un total de 183 143 appartements ».
[17] APPART CITY détenue longtemps par EQUISTONE.