Dans le contexte du COVID-19, le maire doit-il obligatoirement saisir la commission d’appel d’offres (CAO) dans le cadre des marchés publics (projets d’avenant, attributions de marché) ?
1) Article 4 de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 :
« Dans les collectivités territoriales et leurs groupements, le maire ou le président de l’organe délibérant peut décider que les commissions et conseils mentionnés aux articles L. 1111-9-1, L. 2121-22, L. 3121-22 L. 4132-21, L. 5211-10-1, L. 7122-23, L. 7222-23 du code général des collectivités territoriales et L. 121-20 du code des communes de Nouvelle-Calédonie, le cas échéant, le conseil économique, social et environnemental régional ne sont pas saisis des affaires qui leur sont, habituellement ou légalement, préalablement soumises.
Le maire ou le président de l’organe délibérant fait part sans délai de cette décision aux commissions ou conseils concernés, leur communique par tout moyen les éléments d’information relatifs aux affaires sur lesquelles ils n’ont pu être consultés et les informe des décisions prises. […] »
L’article L. 2121-22 du CGCT mentionne les commissions d’appel d’offres. L’article 4 de l’ordonnance du 1er avril 2020 concerne donc bien les CAO.
Ainsi, le maire peut ne pas saisir la CAO pour des affaires qui leur sont, habituellement ou légalement, préalablement soumises.
2) Article 20 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 :
L’ordonnance du 22 avril 2020 vient donner un éclairage sur l’ordonnance du 1er avril 2020 :
« Art. 6-1.-Par dérogation aux articles L. 1411-6 et L. 1414-4 du code général des collectivités territoriales, les projets d’avenants aux conventions de délégation de service public et aux marchés publics entraînant une augmentation du montant global supérieure à 5 % sont dispensés, respectivement, de l’avis préalable de la commission mentionnée à l’article L. 1411-5 du même code et de celui de la commission d’appel d’offres. »
Selon le rapport au président de la république concernant l’ordonnance du 22 avril 2020 :
« Enfin, afin de pallier les difficultés rencontrées par les collectivités locales, leurs établissements publics et leurs groupements pendant la période de confinement pour réunir les commissions d’appel d’offres et les commissions de délégation de service public et afin d’accélérer les procédures, il est proposé de déroger aux articles L. 1411-6 et L. 1414-4 du code général des collectivités territoriales qui imposent le passage en commission pour les avenants aux délégations de service public et aux marchés publics qui entrainent une augmentation du montant du contrat de plus de 5 %. »
D’aucuns considèrent que cette dérogation de saisine de la CAO ne concerne bien que les projets d’avenant aux marchés et délégations de service publics supérieurs à 5%, mais ne dispense en aucune manière des compétences d’attribution habituelles des CAO. Une partie de la doctrine estime en effet qu’en l’absence de dispositions d’exception, les CAO des collectivités territoriales et de leurs établissements doivent nécessairement se tenir, au moins de manière dématérialisée, pour attribuer les marchés relevant de leur compétence et donner des avis sur certains avenants.
Par application de la règle issue de l’adage spécialia generalibus derogant, l’on pourrait considérer – avec prudence – que les dispositions spécifiques relatives au CAO doivent continuer à prévaloir (article L. 1414-1 et suivants du CGCT) et en particulier l’article L. 1414-2 du CGCT.
Comme le prévoit le dernier alinéa de l’article L. 1414-2 du CGCT, les CAO peuvent se tenir à distance, notamment dans de telles circonstances (COVID-19), tant sur le fondement des dispositions de l’article L. 1414-2 du CGCT que sur celles introduites par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020.
En conséquence, il existe à ce jour deux interprétations différentes de ces textes :
- Soit dérogation de saisine de la CAO dans tous les cas selon l’article 4 de l’ordonnance du 1er avril 2020, même pour l’attribution de nouveaux marchés (ex : position de l’union des maires de l’Essonne du 14 avril 2020: « il est désormais possible pour un maire ou un président d’EPCI d’attribuer les marchés sans passer par la Commission d’Appel d’Offres (CAO) »),
- Soit dérogation de saisine de la CAO uniquement dans les cas précisés par l’article 20 de l’ordonnance du 22 avril 2020 (projets d’avenant supérieurs à 5%), la CAO à distance (dématérialisée) devant être mise en œuvre dans les autres cas (autres projets d’avenant et attribution de marchés).
La prudence incite donc le maire à saisir la CAO (mise en oeuvre dématérialisée) hormis les cas de projets d’avenant aux marchés et délégations de service publics supérieurs à 5%.