L’investissement en EHPAD (Établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes), c’est-à-dire l’achat d’un lot privatif dans une résidence service à statut réglementé, s’adresse à un large public d’investisseurs, tout en organisant la combinaison sophistiquée de plusieurs législations complexes :
- régime fiscal du LMNP (à noter que l’État ne fait rien pour supprimer cette niche fiscale…), vente en VEFA, bail commercial, copropriété, code de la consommation, code monétaire et financier, code de l’action sociale et familiale, …
Il présente certaines similitudes avec l’investissement dans d’autres résidences services : tourisme, étudiants, seniors… C’est un investissement risqué aux yeux des banquiers.
Une enquête de la DCCRF d’avril 2013 relève 58.8% « d’anomalies » sur les établissements visités. Ses avantages apparents masquent de réels inconvénients.
1. EHPAD : AVANTAGES APPARENTS
* Vendus par démarchage le plus souvent par des réseaux commerciaux (IOB, CGP…) commissionnés par les banques et les promoteurs-gestionnaires d’EHPAD, ces biens immobiliers sont présentés avant tout au consommateur-acquéreur sous le prisme exclusif et déformant d’un investissement défiscalisant en vue de la retraite.
Le statut fiscal de LMNP associé à ce type de vente est, de fait, apparemment très attractif :
– Les immeubles loués en meublés sont amortis de façon linéaire en général sur une durée en moyenne comprise entre 25 et 30 ans.
-Le mobilier amorti sur une durée plus courte, permet au bailleur son renouvellement à la fin de la période d’amortissement, et de repartir sur un nouvel amortissement.
La TVA est récupérée, voire même financée par certaines banques ( !).
* Couplé à un financement adéquat, cet investissement permet une réelle économie d’impôt, si les choses se passent conformément au discours des vendeurs généralement non démentis par les conseils (lorsqu’ils existent) des quelques notaires spécialisés dans ce type de vente.
La vente est « packagée » comme dans l’investissement en résidence de tourisme. Le vendeur-preneur à bail-gestionnaire « s’occupe de tout », il « n’y a donc pas de souci »…
Le loyer est « garanti » sur la « durée du bail ».
Le bail est au minimum de « garanti » pour 9 ans.
* Dans les EHPAD les ouvertures sont contrôlées par les pouvoirs publics et garanties par une convention tripartite : gestionnaire-Etat (ARS)-conseil général.
Les EHPAD ainsi que les établissements de santé autorisés à dispenser des soins de longue durée qui accueillent une certaine proportion de personnes âgées dépendantes, sont dans l’obligation de conclure une convention « tripartite » avec le président du conseil général et l’ARS (agence régionale de santé) respectant un cahier des charges établi par arrêté ministériel (C. action soc. et des familles , art. L. 313-12). Les autres établissements et services ne sont pas soumis à cette obligation.
La concurrence sauvage d’autres EHPAD sur la même zone est donc contrôlée…en théorie.
2. EHPAD : REELS INCONVENIENTS
* Le package de vente, souvent pas ou mal expliqué au consommateur (le notaire est imposé par le vendeur, l’expert-comptable parfois, le commercial toujours), inclut parfois une vente en VEFA, un financement bancaire , des baux, un syndic de copropriété, un mandat de facturation, …
Le prix de vente est là aussi, comme dans les résidences services, majoré des « fonds de concours » intègre des « non valeurs » à un point tel que les banquiers, « craignant le risque final d’impayé « du crédit exigent généralement « un adossement » de « garanties supplémentaires … par exemple le nantissement d’un contrat d’assurance vie » ….
En clair l’investisseur risque de ne jamais trouver un acquéreur à un prix cohérent avec son achat initial en cas de revente.
* Les intérêts intercalaires avant la phase d’amortissement du crédit augmentent le cout du crédit : pas d’intégration dans le calcul du TEG….
* Le bail commercial peut être résilié à la première période triennale par le gestionnaire conformément à l’art 145 et svt du code de commerce. La protection de l’art 145.7.1 (pas de faculté de résiliation triennale) du code de commerce ne bénéficie qu’aux seules résidences de tourisme, pour une raison non élucidée.
Il peut être aussi non reconduit à son terme (généralement neuf ou 12 ans), ou alors avec une baisse des loyers…
* Le consommateur n’est pas alerté sur le risque de se voir réclamer, en cas de non renouvellement du bail l’indemnité d’éviction.
* Un « mandat de facturation » est généralement signé. c’est le locataire qui édite la facture de loyer et autres charges qu’il devra payer au bailleur-acquéreur.
Ce mandat facilite certaines dérives regrettables.
Ainsi, parfois, il arrive que la facture omette d’inclure l’augmentation du loyer en fonction de l’indice applicable…
Il arrive aussi que le locataire retienne sur la facture le cout du renouvellement du mobilier propriété du bailleur, mais que le preneur utilise pour exploiter son propre commerce….
Ou encore que le preneur facture des frais inhérents à sa propre gestion…
Ou encore qu’il les fasse voter par l’assemblée des copropriétaires, le syndic de copropriété étant très fréquemment une filiale du vendeur-gestionnaire (c’est « l’avantage » du package …).
* Les locaux à usage collectif, ou encore locaux de service (local d’accueil, petit déjeuner, nettoyage, blanchisserie, soins…appartiennent généralement au vendeur, ce qui rend illusoire, de ce seul fait, l’éventualité d’un changement de gestionnaire.
Par exemple, un des leaders du secteur, reste généralement propriétaire des parties communes et des locaux de service.
* L’index des loyers choisi est généralement favorable au preneur. Or il conditionne directement la valorisation du bien dans le temps. Le bailleur n’est jamais alerté par le vendeur sur ce « détail » et ne négocie jamais sur ce point….
* La charge des travaux de mise aux normes pèse généralement sur le bailleur, ce qui est surprenant en soi, car la mise aux normes est là pour assurer la qualité des soins, elle devrait être donc assumée par le gestionnaire exploitant dont c’est le rôle.
* Le pouvoir de contrôle des pouvoirs publics, et de retrait d’agrément, est limité dans les EHPAD « commerciaux » de type ORPEA, DOMUS VI etc …qui accueillent un nombre minoritaire ou inexistant de bénéficiaires de l’aide sociale.
Le prix des prestations, étant librement négocié les pouvoirs publics n’interviennent que pour en limiter les variations (C. action soc. et fam., art. L. 342-1 à L. 342-5).
La loi (C. action soc. et fam., art. L. 313-14) permet aussi de contrôler, en théorie les mauvais fonctionnements et prononcer des retraits d’agrément, en vue notamment de protéger les majeurs en situation de faiblesse.
Toutefois, aucune sanction n’est prévue pour remédier à certaines situations de déséquilibre économique créées dès l’origine entre le consommateur-acquéreur et le gestionnaire.
* Le consommateur bailleur ne pourra pas s’opposer à la non reconduction du bail commercial par son locataire, et ne peut davantage résilier le bail, sauf à subir immédiatement un préjudice économique considérable :
-remise en cause du statut de LMNP pour défaut de location,
-paiement du reliquat de TVA non encore amorti,
-impossibilité de trouver un locataire qui ne sera pas « géré » par le gestionnaire car celui-ci n’aura aucun bail avec celui-là,
-impossibilité de l’occuper soi-même pour y habiter du fait de la destination spécifique de l’immeuble généralement incluse dans le règlement de copropriété,
-impossibilité de revendre le bien sauf à la rigueur, au prix d’une décote considérable,
-obligation de payer les charges de copropriété, taxes foncières, travaux, et autres, sans percevoir de loyer,
-obligation de rembourser le crédit contracté généralement sur une durée longue, car plus rémunératrice pour le banquier et l’assureur emprunteur,
Face à ces périls le consommateur parait bien dépourvu de moyens efficaces de se défendre, dans les cas précis où l’abus est caractérisé.
* Si le consommateur est isolé, seul à agir contre le gestionnaire, la résiliation de son seul bail étant absurde, il pourrait envisager les actions suivantes, sous réserve de l’analyse de chaque dossier :
-multiplier les procédures en vue de faire respecter son contrat.
Ainsi assigner le locataire pour faire payer le loyer ou son augmentation, recouvrer les charges, contester les assemblées générales de la copropriété ayant approuvé les comptes mettant à la charge des copropriétaires des dépenses incombant au gestionnaire, …
-Il pourra aussi tenter d’obtenir un retrait d’agrément de la résidence du fait de la modification des conditions initiales de l’autorisation administrative d’exploitation. Dans ce cas difficile, il faudra par exemple démontrer que les conditions du retrait d’agrément prévues à l’ art. L. 313-16 du code de l’action sociale et des familles sont réunies …mais le consommateur devra aussi songer à trouver un remplaçant au gestionnaire évincé.
-il pourra aussi tenter d’obtenir la résolution du contrat de bail et donc de ceux qui en dépendent, à condition de prouver que le conditions posées par les art 1183 et suivants du code civil sont réunies. Il pourra essayer de démontrer des violation du code de la consommation (démarchage, publicité trompeuse des art L 121.1 et svts du code de la consommation suite à la transposition de la directive européenne de 2005…).
Pour cela l’examen des conditions précontractuelles et des contrats signés est essentiel.
Cette entreprise est très délicate, mais dans des cas similaires (résidences de tourisme…) certains ont obtenu gain de cause.
Il pourra s’attaquer au prêt lui-même et aux conditions dans lesquelles il a été accordé (défaut de mise en garde de la banque, etc … ).
* Si le consommateur réussit à fédérer une nombre suffisant de copropriétaires bailleurs, il pourrait, en mettant en oeuvre une action de groupe mutualisée, obtenir la résiliation de plusieurs baux pour défaut de respect des obligations contractuelles du preneur, et ainsi obtenir son départ, sous les réserves ci-dessus (propriété des parties de service etc …), et envisager de faire appel à un tiers gestionnaire plus convenable…ou tenter
« l’autogestion », sous les réserves déjà exprimées par ailleurs (« autogestion mythe ou alternative »).
Il ne faut pas perdre de vue que chaque cas est particulier. Que ce type d’investissement s’analyse sur le long terme, et dépend des objectifs patrimoniaux de chaque investisseur, l’avantage fiscal devant rester un paramètre accessoire.
Depuis plus de 15 ans, notre cabinet est spécialisé dans la défense des investisseurs, victimes des risques liés à la défiscalisation. Contactez-nous !