Par un important arrêt du 7 février 2014 rendu par la Chambre Mixte de la Cour de Cassation n° 12-85107 la haute juridiction a donné une réponse homogène et simple à une question maintes fois posée devant les tribunaux : l’assureur peut-il obtenir la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle en se contentant des mentions figurant sur les conditions particulières du contrat, et sans prouver qu’il a, au cours de la phase pré-contractuelle, interrogé l’assuré sur la circonstance formant l’objet de la fausse déclaration alléguée, et que l’assuré a répondu inexactement à la question posée ?
La Chambre mixte a répondu clairement à cette question après plusieurs années de divergences :
« Attendu que, pour prononcer la nullité du contrat d’assurance, après avoir relevé que celui-ci, … signé avec la mention préalable » lu et approuvé « , indique, dans les conditions particulières, qu’il est établi d’après les déclarations de l’assuré …qui n’a pas fait l’objet au cours des trente-huit derniers mois, d’une suspension de permis de conduire supérieure à deux mois ni d’une annulation de permis à la suite d’un accident ou d’une infraction au code de la route, l’arrêt constate que, …le permis de conduire de M. X… a été annulé …… et retient qu’en déclarant … qu’il n’avait pas fait l’objet d’une annulation de son permis de conduire, M. X… a effectué une fausse déclaration dont le caractère intentionnel ne peut pas être contesté au regard de ses antécédents judiciaires et de ses déclarations devant les services de police le 24 octobre 2007 ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; ».
L’arrêt est rendu au visa des dispositions des articles 112-3 alinéa 4 ; 113-2-2, et 113-8 du Code des Assurances qui disposent :
Article L112-3 Lorsque, avant la conclusion du contrat, l’assureur a posé des questions par écrit à l’assuré, notamment par un formulaire de déclaration du risque ou par tout autre moyen, il ne peut se prévaloir du fait qu’une question exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécise.
Article L113-2 L’assuré est obligé ….De répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ;
Article L113-8 Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l’article L. 132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.
Au cas d’espèce, la fausse déclaration intentionnelle résultait d’une réponse non donnée à une question pré-imprimée rédigée par l’assureur dans le questionnaire visé à l’art 113.2.
On sait en pratique que ce « questionnaire » rédigé par l’assureur (c’est un contrat d’adhésion) contient toujours des réponses parfois qualifiées de « fermées » par les assurés.
On remarque néanmoins la mention de l’adverbe notamment dans l’article 113.2.du Code des Assurances, lequel ouvre la possibilité aux assurés comme aux assureurs de compléter l’information nécessaire due par chaque partie à l’autre.
Depuis très longtemps, des divergences existaient entre la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation et la Chambre Criminelle sur la forme, le contenu et les sanctions éventuelles des déclarations inexactes de l’assuré préalablement au contrat.
-La chambre civile avait une conception assez large de la source de la déclaration des risques.
Celle-ci pouvait résulter de réponses à des questions diverses, même « impersonnelles » pré-rédigées par l’assureur, par exemple dans les conditions particulières du contrat. Ainsi la cour de cassation a cassé un arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait « annulé un contrat d’assurance sur le fondement de l’article L. 113-8 du code des assurances sans constater que l’assureur avait, au moment de la souscription du contrat, posé une question qui aurait dû conduire l’assuré à lui déclarer un élément propre à modifier l’appréciation du risque par l’assureur « 2e Civ., 15 février 2007, pourvoi n° 05-20.865, Bull. 2007, II, n° 36 ; ou encore 2e Civ., 16 décembre 2010, pourvois n° 10-10.859 et 10-10.865, Bull. 2010, II, n° 208 (rejet)
Il est fréquent que les réponses à ces questions consistent en fait à cocher des cases en regard de la question posée. La signature du questionnaire faisait compréhension des questions posées.
Les juridictions ne remettent généralement pas en cause la validité de ces cases cochées figurant en regard des questions posées, dès lors que le questionnaire généralement pré-imprimé par l’assureur est signé par le souscripteur.
-La Chambre Criminelle avait une conception plus rattachée au caractère intentionnel de l’infraction et exigeait régulièrement que la preuve de la fausse déclaration ne résulte que d’une réponse fausse (et donc intentionnelle) à une question clairement posée.
La chambre criminelle exigeait ainsi « que les questions que l’assureur entend, au regard des éléments qui lui ont été communiqués, devoir poser par écrit, notamment par voie de formulaire, interviennent dans la phase précontractuelle, ce qu’il doit prouver, en les produisant avec les réponses qui y ont été apportées, pour pouvoir établir que l’assuré a été mis en mesure d’y répondre en connaissant leur contenu ». Cass. Crim. 10 janvier 2012, n°1181647.
-La Chambre Mixte de la Cour de Cassation a mis fin à cette divergence par l’arrêt du 7 février 2014.
En l’espèce, l’assuré avait déclaré ne pas avoir fait l’objet au cours des mois précédents d’une suspension de permis de conduire supérieure à deux mois alors qu’en réalité il avait fait l’objet d’une annulation de son permis depuis plus de deux ans avant la conclusion du contrat.
Ces informations étaient confirmées d’ailleurs par l’assuré devant les services de police.
Par arrêt du 21.6.2012 la Cour d’Aix en Provence avait retenu le caractère intentionnel de la fausse déclaration et donc jugé … «qu’il y avait lieu à prononcer la nullité du contrat d’assurance, après avoir relevé que celui-ci, daté du 21 juin 2006, signé avec la mention préalable » lu et approuvé « , indique, dans les conditions particulières, qu’il est établi d’après les déclarations de l’assuré et que M. X…, qualifié de « conducteur habituel « , n’a pas fait l’objet au cours des trente-huit derniers mois, d’une suspension de permis de conduire supérieure à deux mois ni d’une annulation de permis à la suite d’un accident ou d’une infraction au code de la route, (et que ) …. par décision du 20 mars 2003 exécutée le 21 avril 2004, le permis de conduire de M. X… a été annulé avec interdiction de solliciter un nouveau permis pendant un an et six mois, et retient qu’en déclarant le 21 juin 2006 qu’il n’avait pas fait l’objet d’une annulation de son permis de conduire, M. X… a effectué une fausse déclaration dont le caractère intentionnel ne peut pas être contesté au regard de ses antécédents judiciaires et de ses déclarations devant les services de police le 24 octobre 2007 ».
L’arrêt est cassé : la fausse déclaration ne peut être acquise que lorsqu’elle résulte de la constatation d’une réponse erronée à une question précise et préalablement posée.
Cet arrêt de clarification n’est pas sans poser des questions pratiques importantes.
Le « questionnaire« , jugé parfois « impersonnel » auquel ont recours les assureurs pour questionner « préalablement » le futur éventuel assuré doit-il être considéré comme formulant des « questions précises » ?
Les juges du fond auront probablement l’occasion de répondre au cas par cas, en fonction du degré de « précision » de ces questions, de la forme et de la date des réponses, de la preuve du degré de compréhension de l’assuré aux questions posées (par exemple, quid de la case cochée par un assuré ne lisant pas le français ?, etc …).
Il appartiendra toujours aux assureurs de rapporter la preuve que le futur assuré a pu effectivement prendre connaissance de ces questions au cours de la « phase précontractuelle ».
Cet arrêt va peut-être inciter les assureurs, et aussi peut être les associations de consommateurs, à réfléchir à la mise en place d’un « corpus » de questions réputées « claires et précises « aux yeux des juges du fond, dont l’opinion continuera probablement à être toujours sollicitée.
Il faut rappeler ici que la loi du 17.3.2014 relative à la consommation art L 111.1 fait désormais obligation au professionnel assureur de communiquer, préalablement au consommateur souscripteur, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives à la mise en oeuvre des garanties et aux autres obligations contractuelles, et renvoie à ce sujet à la parution ultérieure d’un décret.
Souhaitons que les dispositions de celui-ci soient éclairantes.