La DGCCRF a décidé de contrôler le respect de la réglementation applicable en matière de résidences de tourisme.
Ont été contrôlés 20 établissements (dont 6 résidences), 3 sociétés de commercialisation et 1 société de promotion immobilière.
L’enquête a permis de dresser un état des lieux du marché de l’investissement dans ce type de résidences, en s’assurant de la loyauté de l’information donnée aux particuliers souhaitant investir sur ce marché.
La répression de fraudes indique que le modèle économique des résidences de tourisme a longtemps offert une rentabilité correcte dans les zones touristiques.
Mais en raison notamment d’une offre surabondante qui a conduit à une baisse des loyers, un investisseur sur dix ne percevrait plus la totalité des loyers attendus pour rembourser les mensualités de son crédit (selon les associations de propriétaires).
Toutefois, selon nous ce n’est pas la seule cause, lorsque l’on sait que les rentabilités promises lors de l’achat sont largement surévaluées car indexés sur des prix de vente eux aussi très au-dessus du marché réel.
Les victimes se regroupent aujourd’hui en association pour se défendre face aux exploitants.
La DGCCRF, quant à elle, poursuit ses contrôles pour lutter contre les pratiques commerciales trompeuses de certains professionnels.
Le montage juridique et fiscal relatif au fonctionnement des résidences de tourisme met en jeu trois acteurs principaux : l’investisseur, le promoteur / commercialisateur et l’exploitant-gestionnaire.
Nous pouvons de notre côté y ajouter les établissements bancaires et les notaires qui jouent un rôle essentiel également, mais qui ne semblent pas avoir fait l’objet d’une enquête de la répression des fraudes dans ce secteur si particulier.
Les propriétaires ont été démarchés les plus souvent pour investir dans les résidences de tourisme pour profiter des mesures de défiscalisation et se constituer un patrimoine et un revenu complémentaire pour leur retraite.
Ils perçoivent un loyer du gestionnaire auquel ils sont liés par un bail commercial.
Cependant, la majorité des gestionnaires contrôlés reconnaît ne plus pouvoir en assurer le versement et est contrainte de le réviser fortement à la baisse, sans pour autant que les raisons de ces difficultés ne soient évoquées par l’enquête.
Selon la répression des fraudes, les promoteurs prendraient désormais mieux en compte les prévisionnels d’exploitation établis par les gestionnaires pour déterminer les prix de vente des logements.
Là encore, le mécanisme des fonds de concours n’est pas évoqué, et on ne sait pas si cette pratique perdure.
Dans le cadre de son enquête la DGCCRF a tout d’abord analysé les arguments de vente des sites internet et des commercialisateurs puis, dans une seconde phase, collecté des protocoles de prise à bail et analysé les problèmes rencontrés par les principaux gestionnaires de résidences de tourisme dans leurs relations avec les propriétaires.
À cet effet, les enquêteurs ont visité 20 établissements, dont 6 résidences de tourisme ; ils ont également recueilli le point de vue des propriétaires-investisseurs.
Au stade de la commercialisation, la publicité d’un taux de rentabilité présenté comme minimal et l’absence de mention de la durée minimale de location ont ainsi été relevées :
Un site internet annonçait une « rentabilité à partir de 3 % à 5 % » dans ses annonces de vente de logements au sein de résidences avec services.
Or ce taux, déjà élevé et ne reflétant pas réellement la rentabilité de l’investissement, ne pouvait en aucun cas être susceptible d’augmenter.
Il a donc été demandé à la société titulaire du site concerné de modifier cette allégation afin de ne pas tromper les consommateurs.
En outre, toutes les sociétés ne respectaient pas l’obligation d’indiquer dans les publicités relatives à l’achat d’un logement au sein d’une résidence de tourisme la durée minimale de mise en location de 9 ans, qui est une condition pour pouvoir bénéficier des mesures de défiscalisation. Un avertissement a été transmis aux professionnels concernés.
Ces deux points semblent toutefois insuffisants. On ignore bien entendu le contenu exact de la publicité objet de l’enquête, toutefois la seule indication de la durée minimale de location de 9 ans est insuffisante, lorsque l’on sait que l’argument essentiel des vendeurs repose sur la récupération de la TVA qui est souvent financée à 100% par les banques.
Or, pour conserver la totalité de cette TVA, l’acheteur a une obligation de conserver le bien loué pendant 20 ans et pas seulement 9 années.
En outre, les risques liés à la défaillance du gestionnaire ne semblent pas être mise en avant, tout comme la nécessité de verser en fin de bail une indemnité d’éviction si le propriétaire souhaite reprendre la jouissance de son bien.
En réalité, c’est le statut des baux commerciaux qui est très souvent en cause car totalement inadapté aux résidences de tourismes et sur lequel la DGCCRF ne semble pas s’être penché lors de son enquête.
Au stade de l’exploitation, un défaut de transparence et des difficultés financières ont été observés dans la gestion :
1. Défaut de communication des pièces et défaut de classement :
L’article L. 321-2 du Code du tourisme impose aux exploitants des résidences de tourisme classées de communiquer aux propriétaires qui en font la demande le compte d’exploitation propre à leur résidence et de communiquer une fois par an à l’ensemble des copropriétaires un bilan de l’année écoulée précisant les taux de remplissage obtenus, les événements significatifs de l’année, ainsi que le montant et l’évolution des principaux postes de dépenses et de recettes de la résidence.
Toutefois, de nombreux professionnels ne respectent pas ou pas totalement ces obligations. L’une des résidences contrôlées avait en outre omis de solliciter le renouvellement de son classement.
Or, la demande de classement des résidences par le gestionnaire constitue une condition indispensable pour les investisseurs car, sans son obtention, ces derniers ne peuvent pas bénéficier des réductions fiscales prévues notamment par le dispositif dit « Censi-Bouvard ». Ce classement doit être renouvelé tous les cinq ans.
Concernant la communication des chiffres, on peut toutefois douter de leur pertinence.
En effet, il ne faut pas oublier que la plupart des exploitants gèrent plusieurs résidences, de sorte que les comptes communiqués pour une résidence ne sont jamais certifiés et ne peuvent donc jamais être vérifiés.
Certains gestionnaires appliquent en outre des frais de sièges, parfois colossaux, qui viennent largement amputer le bénéfice réel de la résidence, sans que les propriétaires ne s’en rendent compte.
En outre, ces chiffres ne permettent pas d’analyser la performance réelle du gestionnaire par rapport à ses concurrents sur des sites voisins comparables.
Alors que ces chiffres constituent très souvent la base de la « renégociation » des loyers à la baisse, qui est en réalité plus imposée, que négociée, sous menace de dépôt de bilan.
On s’interroge donc de la pertinence des chiffres communiqués par l’exploitant.
2. Trois grands types de défaillances des gestionnaires ont été recensés par la répression des fraudes durant l’enquête :
- cessations totales de paiement (qui n’ont plus cours aujourd’hui dans les résidences visitées),
- retards dans le paiement des loyers ou renégociation des loyers au cours des premiers baux (chez quatre des gestionnaires contrôlés),
- renégociation des loyers au moment du renouvellement des baux (cinq des gestionnaires), avec des baisses pouvant aller jusqu’à 70 % du montant du loyer initial.
Sur ce dernier point, la DGCCRF indique que le revenu des gestionnaires étant insuffisant, les gestionnaires des résidences de tourisme négocient souvent avec les propriétaires une diminution des loyers.
Toutefois, à aucun moment elle ne se penche sur la cause de ses prétendues difficultés.
La répression des fraudes croit pouvoir indiquer que cette renégociation est souvent mieux acceptée quand elle s’effectue au moment du renouvellement des baux.
Elle ajoute qu’en cas de refus de cette diminution, les gestionnaires peuvent se placer en procédure collective, voire se déclarer en faillite et cesser la gestion ; les propriétaires doivent alors rembourser tous les avantages fiscaux perçus.
Elle ne fait que décrire le chantage dont sont victimes la plupart des propriétaires de résidences de tourismes, qui se trouvent piégés en fin de bail, avec un gestionnaire qui dénonce le bail et propose un loyer dérisoire, sous menace de les laisser tomber.
Des solutions palliatives existent, notre cabinet y travaille depuis près de 10 ans.
Malgré des améliorations, les plaintes des propriétaires déçus par leurs investissements dans les résidences de tourisme sont toujours nombreuses.
Il faut toutefois souligner que les enquêteurs de la DGCCRF ont fait corriger les pratiques de plusieurs professionnels contrôlés, lorsqu’elles étaient susceptibles d’être trompeuses mais à notre sens, les points contrôlés sont insuffisants tant le secteur est sinistré.
Il s’agit d’un 1er pas intéressant qu’il faudra poursuivre.
La répression des fraudes indique que plus largement, il pourrait être nécessaire de renforcer la réglementation, notamment en amont de la vente (sur l’information préalable et pré-contractuelle des consommateurs) puis pendant la période d’exploitation (sur la transparence des gestionnaires à l’égard des propriétaires en ce qui concerne le traitement de la propriété des équipements et parties communes, et la prise en charge des gros travaux d’entretien).
Ces réflexions pourront se poursuivre, avec les professionnels, au sein d’un groupe de travail mis en place par la Direction générale des entreprises (DGE) en coordination avec la DGCCRF.
Notre cabinet œuvrera pour améliorer les droits et la protection des propriétaires bailleurs qui se trouvent souvent en grandes difficultés du fait de la méconnaissance de la règlementation de ce secteur aussi vaste, que complexe.
Pour la SCP GOBERT & ASSOCIES
Christophe JERVOLINO
Avocat Associé