Des milliers de propriétaires ont signé un bail commercial avec la société RESIDE ETUDES APPARTHOTELS (« loyers garantis » quels que soient le chiffre d’affaires et le taux d’occupation de la résidence).
Au motif de la crise sanitaire (COVID-19), la société RESIDE ETUDE APPARTHOTELS a demandé à ses bailleurs de signer sa proposition d’avenant du 16 octobre 2020 consistant à abandonner 60% des loyers sur 2020 et 2021, outre une hypothétique clause de retour à meilleure fortune.
Pour les centaines de bailleurs qui ont refusé de signer sa proposition d’avenant du 16 octobre 2020, la société RESIDE ETUDE APPARTHOTELS n’a versé aucun loyer du 1er avril 2020 à mi-octobre 2021, soit 18,5 mois sans loyer.
Le 15 octobre 2021, la société RESIDE ETUDE APPARTHOTELS a repris le paiement à hauteur de 40% du loyer contractuel, rétroactivement depuis le 11 mai 2021.
Autrement dit pour les bailleurs : aucun loyer du 1er avril 2020 au 10 mai 2021 et 40% du loyer du 11 mai 2021 au 31 décembre 2021.
Les bailleurs ont assigné leur preneur devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, puis devant le juge des référés de la cour d’appel de Paris.
La société RESIDE ETUDE APPARTHOTELS a tenté de soulever de prétendues contestations sérieuses pour s’exonérer totalement de son obligation essentielle de paiement des loyers (force majeure, clause contractuelle du bail, exception d’inexécution, perte de la chose louée).
Par un arrêt du 4 mars 2022, la cour d’appel de Paris, statuant en référé, a écarté les arguments en défense et condamné la société RESIDE ETUDES APPARTHOTELS à payer les loyers à ses bailleurs.
La cour d’appel entérine donc l’argumentaire que nous soutenons depuis le début de la crise sanitaire.
1) Sur la force majeure liée à la pandémie de Covid-19 :
« Il est en effet rappelé que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure (Com., 16 septembre 2014, pourvoi n° 13-20.306, Bull. 2014, IV, n° 118). La force majeure se caractérise par la survenance d’un événement extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible, rendant impossible l’exécution de l’obligation. Or, l’obligation de paiement d’une somme d’argent est toujours susceptible d’exécution, le cas échéant forcée, sur le patrimoine du débiteur. Elle n’est, par nature, pas impossible : elle est seulement plus difficile ou plus onéreuse.
En l’espèce, il convient d’ajouter que si la chute d’activité et les pertes subies par l’appelante, en lien avec la crise sanitaire, sont incontestables et établies, celle-ci ne justifie pas avoir été dans l’impossibilité totale de régler les loyers dus aux quarante et un intimés, alors qu’elle a disposé d’une importante trésorerie grâce au prêt garanti par l’Etat de 27,6 millions euros qui lui a été accordé, ainsi qu’en attestent les pièces qu’elle produit.
Faute de justifier d’une impossibilité d’exécuter son obligation de règlement des loyers, elle ne démontre pas le caractère irrésistible de l’événement lié à l’épidémie de Covid-19. »
2) Sur la clause contractuelle relative aux « circonstances exceptionnelles et graves » exceptionnelles et graves :
« Les baux commerciaux litigieux contiennent tous une clause intitulée « dispositions diverses » qui stipule que :
« Dans le cas où la non sous-location du bien résulterait :
– soit du fait ou d’une faute du bailleur ;
– soit de l’apparition de désordre de nature décennale, soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu’incendie de l’immeuble, etc’) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer, défini ci-avant, ne sera pas payé jusqu’au mois suivant la fin du trouble de jouissance ».
L’appelante soutient qu’il a ainsi été contractuellement prévu que le preneur puisse déroger à la garantie de versement d’un loyer contractuel dans l’hypothèse où il devrait faire face à des « circonstances graves et exceptionnelles » de nature à porter atteinte à l’exploitation des résidences et que la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour y remédier constituent de telles « circonstances exceptionnelles et graves », les confinements successifs ayant imposé la fermeture des résidences de tourisme et rendu leur exploitation impossible.
Selon elle, « l’occupation effective et normale » du bien ne serait toujours pas possible à ce jour, en raison de la baisse du tourisme d’affaires et du télétravail notamment, le taux d’occupation étant très inférieur à celui de 2019.
Cependant, la clause précitée implique, à l’évidence, que le bien lui-même soit affecté, ainsi que les termes mêmes le précisent (circonstances affectant « le bien ») mais également l’exemple donné (l’incendie de l’immeuble).
Si l’épidémie de Covid-19 a affecté les conditions d’exploitation de la résidence hôtelière, en réduisant le taux d’occupation du fait de la baisse de l’activité touristique, des confinements successifs et du recours massif au télétravail, elle n’a pas affecté les biens loués eux-mêmes, qui étaient, à tout moment, en état de location et conformes à l’usage auquel ils étaient destinés.
A cet égard, la résidence « […] » a certes connu une baisse de son taux d’occupation en 2020 mais celui-ci s’est néanmoins élevé à 49,24% selon les propres déclarations de l’appelante, de sorte qu’il n’a jamais été nul.
La clause contractuelle, très CF, ne nécessite aucune interprétation excédant les pouvoirs du juge des référés et la contestation de l’appelante sera rejetée sur ce point, cette clause n’étant pas applicable à la crise sanitaire actuelle. »
3) Sur l’absence de délivrance des locaux par les Bailleurs :
« Aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et de l’en faire jouir paisiblement pendant la durée du bail.
La société Réside Etudes Apparthôtels soutient que les bailleurs ont manqué, même sans faute, à leur obligation de délivrance des locaux loués puisqu’elle a été contrainte de fermer ses établissements en raison des mesures adoptées par le Gouvernement pour lutter contre la propagation du Covid-19, ce qui justifie la suspension des loyers, l’exception d’inexécution prévue par l’article 1219 du code civil pouvant toujours être opposée.
La résidence litigieuse, « […] », est une résidence de tourisme, ce qui n’est pas contesté par les intimés.
L’article 10, I bis, 2°, du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, créé par le décret n° 2020-604 du
20 mai 2020 (article 7 c), prévoit expressément que « sauf lorsqu’ils constituent pour les personnes qui y vivent un domicile régulier, les établissement suivants mentionnés au livre III du code du tourisme ne peuvent accueillir de public : […] les résidences de tourisme ».
Ce texte, en vigueur jusqu’au 2 juin 2020, a été abrogé à cette date.
L’appelante soutient que le décret n° 2020-604 du 20 mai 2020 a confirmé rétroactivement la fermeture des résidences de tourisme à compter du 14 mars 2020 jusqu’au 2 juin 2020 mais elle ne précise pas en vertu de quelle disposition une telle rétroactivité aurait pu être ordonnée.
Aucune disposition du décret ne prévoit une telle application rétroactive, laquelle paraît en outre difficilement concevable s’agissant d’une fermeture d’établissement, qui ne peut par définition valoir que pour l’avenir.
La période de fermeture n’a donc été que de 14 jours sur cette période du 20 mai au 2 juin 2020.
L’interdiction d’accueil du public a en revanche été clairement posée par le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, à son article 41, I, 2°, pour la période du 1er novembre au 14 décembre 2020 inclus.
Mais contrairement à ce que soutient l’appelante, aucune interdiction ou fermeture n’a ultérieurement été prévue, pour la période du 19 mars au 19 mai 2021, le décret n° 2021-296 du 19 mars 2021 étant taisant sur ce point.
La résidence objet du litige a donc bien fait l’objet d’une mesure de fermeture administrative mais pendant une durée limitée d’environ deux mois.
En tout état de cause, pendant cette période, les bailleurs ont continué à mettre les locaux loués à la disposition de la société Réside Etudes Apparthôtels, laquelle n’invoque aucun manquement de leur part à leurs obligations de mise à disposition de locaux et équipements conformes à la destination contractuelle.
Les locaux permettaient d’exercer l’activité prévue aux baux, ce qui n’est pas contesté.
La fermeture administrative de la résidence de tourisme, imposée par les mesures législatives et réglementaires de lutte contre l’épidémie de Covid-19, n’est pas le fait des bailleurs qui, pour leur part, ont continué à remplir leur obligation de délivrance.
De même, la diminution de la clientèle liée au contexte sanitaire est étrangère à l’obligation de délivrance du bailleur.
La demande de suspension du paiement des loyers sur le fondement de l’article 1719 du code civil n’est donc pas fondée, l’obligation de paiement n’étant pas sérieusement contestable. »
4) Sur la perte de la chose louée :
« Aux termes de l’article 1722 du code civil, applicable aux baux commerciaux, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement.
L’appelante soutient que la pandémie de Covid-19 et les mesures adoptées par le Gouvernement pour lutter contre sa propagation constituent une destruction momentanée de la chose louée par cas fortuit au sens de ce texte, ce qui justifie une exonération du paiement des loyers depuis le 2ème trimestre 2020 à titre de réduction du prix du bail.
Il est constant que la destruction de la chose louée peut s’entendre d’une perte matérielle de la chose louée mais également d’une perte juridique, notamment en raison d’une décision administrative (Com., 19 juin 1962, Bull. n° 323 ; 3e Civ., 30 octobre 2007, pourvoi n° 07-11.939) et que la perte peut être totale ou partielle, la perte partielle pouvant s’entendre de toute circonstance diminuant sensiblement l’usage de la chose.
La perte partielle de la chose louée n’est pas nécessairement définitive et peut être temporaire.
En l’espèce, la société Réside Etudes Apparthôtels a subi une perte partielle de la chose louée puisqu’elle n’a pu ni jouir de la chose louée ni en user conformément à sa destination pendant les périodes de fermeture administrative, l’absence de toute faute du bailleur étant indifférente.
Il existe en conséquence une contestation sérieuse sur son obligation au paiement de l’intégralité des loyers pendant les périodes de fermeture administrative.
Cependant, il a été vu précédemment que ces périodes de fermeture n’ont pas excédé deux mois et que, hors fermeture, aucun texte, qu’il soit issu du droit commun des obligations ou des dispositions dérogatoires de la période de crise sanitaire, n’autorisait la société Réside Etudes Apparthôtels à suspendre le paiement des loyers, étant rappelé que les aides de l’Etat aux entreprises ont eu pour objet de les soutenir dans le respect de leurs engagements, notamment à l’égard de leurs bailleurs.
L’obligation de règlement des loyers pesant sur la société Réside Etudes Apparthôtels n’est donc pas sérieusement contestable, étant à cet égard relevé que celle-ci propose elle-même désormais, dans le cadre de la conciliation en cours, de régler 70 % du loyer annuel des années 2020 et 2021, reconnaissant ainsi le principe de son obligation.
Elle sera dès lors condamnée au paiement de provisions au titre des loyers dus et impayés, sous déduction de deux mois de loyers correspondant aux périodes de fermeture, pour lesquels la contestation est sérieuse. »
En conclusion, les propriétaires bailleurs sont en droit de réclamer le paiement de leurs loyers pendant la crise sanitaire (COVID-19).
Nous pouvons vous aider à y parvenir face à votre gestionnaire de résidence.