La responsabilité décennale s’applique-t-elle en cas
de désordres causés par un poêle à bois ?
C’est la question à laquelle la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a récemment apporté une réponse dans son arrêt du 12 juillet 2018 (H. c/ SAS Cheminées Hervé Gehin, n° 17-19.371)
Elle a considéré que la Cour d’appel devait rechercher, comme il le lui était demandé, si l’insuffisance de chauffage par un poêle à bois ne rendait pas l’ensemble de la maison impropre à sa destination.
Il faut rappeler que l’assurance de responsabilité civile décennale garantit la réparation des dommages qui se produisent après la réception des travaux (fin officielle du chantier).
Tout constructeur (entrepreneur, promoteur immobilier, lotisseur, maître d’œuvre, architecte, technicien, bureau d’étude, ingénieur-conseil) impliqué dans la construction d’un ouvrage neuf ou existant, ou tout prestataire lié au maître d’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage, est soumis à un régime de responsabilité décennale.
Le professionnel engage sa responsabilité pendant 10 ans, en cas de dommage, à l’égard du futur propriétaire (le maître d’ouvrage), mais aussi à l’égard des acquéreurs successifs en cas de revente de l’ouvrage.
La garantie décennale concerne les vices ou dommages de construction :
qui peuvent affecter la solidité de l’ouvrage et de ses équipements indissociables (par exemple, effondrement résultant d’un vice de construction),
ou qui le rendent inhabitable ou impropre à l’usage auquel il est destiné (par exemple, défaut d’étanchéité, fissurations importantes).
Il peut aussi s’agir d’éléments d’équipement (par exemple une pompe à chaleur) lorsque les dysfonctionnements les affectant rendent le bien dans son ensemble impropre à sa destination.
C’est dans ce cadre que se situe l’arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2018 :[…] Attendu, selon l’arrêt attaqué (Colmar, 3 avril 2017), que M. et Mme H., estimant que le poêle à bois qu’ils avaient fait installer dans leur maison par la société Cheminées Hervé Gehin, ne donnait pas satisfaction, ont assigné l’entreprise en indemnisation ;[…] Mais sur le deuxième moyen :
Vu l’article 1792 du Code civil ;
Attendu que, pour rejeter la demande de M. et Mme H. sur le fondement de la responsabilité décennale, l’arrêt retient, d’une part, que la société Cheminées Hervé Gehin ne peut être considérée comme un constructeur d’ouvrage, d’autre part, qu’il n’est pas établi que le poêle litigieux puisse être considéré comme formant indissociablement corps avec un ouvrage de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’insuffisance de chauffage ne rendait pas l’ensemble de la maison impropre à sa destination, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les troisième et quatrième moyens :
Casse et annule, mais seulement en ce qu’il rejette la demande indemnitaire de M. et Mme H., l’arrêt rendu le 3 avril 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar […] ».
Si la Cour d’appel avait bien analysé l’un des deux cas de mise en œuvre de la responsabilité décennale, elle avait omis d’appréhender le second cas (impropre à sa destination). C’est en ce sens que son arrêt est censuré par la haute juridiction.