Face à la crise sanitaire du virus Covid-19, le Président de la République a annoncé que « les factures d’électricité, de gaz et les loyers seront suspendus » pour les plus petites entreprises qui rencontrent des difficultés.
La loi du 23 mars 2020 a créé un nouvel « état d’urgence sanitaire ».
Comme indiqué dans un précédent article, la loi autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances pendant 3 mois toute mesure permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers afférents aux locaux commerciaux au bénéfice des microentreprises, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie.
L’ordonnance du 25 mars 2020 est venue préciser les modalités relatives au paiement des loyers afférents aux locaux commerciaux (et professionnels) des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19.
1) Que prévoit l’ordonnance du 25 mars 2020 pour les loyers commerciaux ?
L’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 prévoit que :
- les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité et celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ;
- « ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux» ;
- « nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L622-14 et L641-12 du Code de commerce».
La loi du 22 mars 2020 précisait que la mesure concerne uniquement les microentreprises, et non les petites et moyennes entreprises (PME), les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises (GE).
Une microentreprise est une entreprise qui :
– d’une part, occupe moins de 10 personnes ;
Sont concernés par cette mesure les locataires de baux commerciaux qui exercent leur activité dans le local.
Le locataire aura tendance à tenter de démontrer auprès du propriétaire bailleur que son activité commerciale est particulièrement touchée « par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation ».
Cette mesure pourrait profiter à des locataires dont la fermeture du commerce n’a pas été ordonnée, mais dont le chiffre d’affaires a été considérablement réduit par le confinement de la population.
Les critères d’éligibilité retenus par le Gouvernement paraissent moins stricts que ceux qui pourront être retenus pour l’application de la force majeure à l’article 1218 du Code civil.
En effet, la force majeure exige que le débiteur soit dans l’impossibilité totale d’honorer son engagement, tandis que dans le cadre de l’ordonnance du 25 mars 2020, il suffirait de prouver que l’activité commerciale est « particulièrement touchée » par les conséquences de l’épidémie ou du confinement.
Le locataire commercial n’aurait donc pas à démontrer que le paiement des loyers est rendu impossible par la survenance de l’épidémie de coronavirus mais simplement que son obligation est seulement plus difficile.
2) Quels sont les effets de l’ordonnance du 25 mars 2020 sur les loyers commerciaux ?
L’ordonnance n’autorise pas le locataire à ne pas payer son loyer commercial, même à titre provisoire.
L’ordonnance du 25 mars 2020 interdit simplement au bailleur de réclamer au locataire des intérêts de retard ou d’engager une procédure en résiliation de bail et d’expulsion.
Ainsi, le bailleur, qui n’est pas réglé de son loyer pendant cette période, ne pourra pas invoquer le bénéfice de la clause résolutoire insérée au bail dans un commandement de payer.
L’obligation de régler le loyer demeure, mais les effets de la non-exécution de cette obligation sont suspendus.
Plutôt qu’une suspension réelle des loyers, l’ordonnance prévoit la neutralisation des effets du non-paiement des loyers et charges.
L’exécution de l’obligation est seulement suspendue jusqu’à « l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. »
Ainsi, le locataire devra payer ses arriérés de loyer à la fin de l’épidémie.
3) A partir de quand cette mesure s’applique-t-elle ?
Ce texte s’applique aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de 2 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020.
Ne sont donc pas concernés les loyers échus impayés avant le 12 mars 2020.
Concrètement, les effets du non-paiement des loyers sont suspendus à compter du 2ème trimestre 2020 (que le loyer soit à terme échu ou à échoir) jusqu’à « l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. »
En conclusion, les locataires ne bénéficient pas d’une exonération de leur loyer pendant l’épidémie de CORONAVIRUS.
Il est donc vivement conseillé aux locataires de se rapprocher de leurs propriétaires bailleurs afin de convenir avec eux d’un échelonnement de leur dette locative à la fin de l’état d’urgence sanitaire.