Pour une affectation de la subvention du décret du 24 mars 2021 au paiement effectif des loyers et des charges.
La crise du Covid-19 a engendré une cessation massive du paiement des loyers et charges locatives dus aux propriétaires-bailleurs en résidence de tourisme.
Cette situation s’avère particulièrement critique pour les résidences de tourisme en montagne.
Le gouvernement, suite notamment aux actions de l’UNPI assistée du cabinet Gobert & Associés, après deux communiqués en février et mars 2021, a mis en place une nouvelle subvention à destination des entreprises les plus touchées par la crise.
Les conditions d’octroi de cette nouvelle subvention sont plus souples pour les entreprises du « secteur montagne » qui n’ont pas à remplir la condition tenant au volume d’affaire.
I. Quel est l’objet de cette subvention ?
Le dispositif mis en place par le gouvernement a pour objet la « mise en place d’une aide spécifique en faveur d’entreprises dont l’activité est particulièrement affectée par les conséquences de la crise sanitaire et qui ont un niveau de charges fixes particulièrement élevé »[1].
Ainsi, le versement de cette nouvelle aide devrait permettre aux exploitants de reprendre le versement des loyers contractuellement dus aux propriétaires-bailleurs des résidences qu’ils exploitent.
Pour autant, il conviendra de s’assurer que cette nouvelle aide financière, qui pourra culminer jusqu’à 90% des pertes d’excédent brut d’exploitation, ne sera pas engloutie par les sociétés d’exploitation.
II. A qui sera versée la subvention ?
La lettre du décret[2] indique que la subvention sera versée à des « entreprises ». Plus précisément, dans le cas où l’exploitant est organisé en société ou en groupe de société, c’est ce groupe qui en sera destinataire.
Dès lors, de nombreuses questions se posent, notamment celle de savoir comment sera répartie la subvention en présence par exemple d’un groupe de sociétés exploitant des résidences « montagne[3] » et « hors montagne ».
En effet, il s’agira de veiller à ce que les sommes perçues permettent le déblocage des loyers.
Autrement dit, s’assurer que les bénéficiaires de l’aide ne succombent pas à la tentation de la dévoyer afin de régler leurs frais généraux et notamment les frais de siège.
III. De quels moyens les propriétaires disposent-ils pour contrôler la répartition de l’aide ?
Comme nous l’évoquions dans un précédent article, la loi Novelli de 2009 met à la charge des exploitants deux obligations de communication.
Ces obligations sont prévues à l’article L. 321-2 du code du tourisme :
« L’exploitant d’une résidence de tourisme classée doit tenir des comptes d’exploitation distincts pour chaque résidence. Il est tenu de les communiquer aux propriétaires qui en font la demande.
Une fois par an, il est tenu de communiquer à l’ensemble des propriétaires un bilan de l’année écoulée, précisant les taux de remplissage obtenus, les évènements significatifs de l’année ainsi que le montant et l’évolution des principaux postes de dépenses et de recettes de la résidence. »
Les propriétaires disposent donc d’un outil juridique leur permettant d’apprécier l’affectation de l’aide, résidence par résidence. Hélas, cette faculté est limitée à une communication de comptes annuels.
En effet, l’allocation de la subvention devrait en toute logique apparaître dans « l’évolution des principales recettes » de la résidence considérée.
Les propriétaires doivent être mis en mesure de pouvoir apprécier la performance de la gestion de leurs biens par l’exploitant : il s’agit de l’esprit de la loi Novelli !
IV. Un pas vers le déblocage des loyers ?
Il faut donc dès à présent que les propriétaires-bailleurs veillent à solliciter des exploitants la communication des comptes d’exploitation de leur résidence.
Jusqu’à présent, les exploitants mettaient en avant les pertes d’exploitation pour retenir le versement des loyers.
Cette argumentation ne tient plus ! Soit les exploitants ne justifient pas de pertes d’exploitation et doivent reprendre le paiement des loyers, soit ils subissent de telles pertes et la subvention dont ils bénéficieront leur apportera la trésorerie nécessaire au paiement.
Désormais, ces derniers ne pourront plus retenir illégalement le versement des sommes (loyers et charges diverses) mises à leur charge si les documents comptables produits laissent apparaître que le versement de la nouvelle subvention leur permet d’atteindre un équilibre comptable.
Toute situation contraire sera intenable pour les propriétaires qui, de fait, ont déjà fourni de lourds efforts.
Si la situation de rétention des loyers perdurait malgré cette aide, les exploitants recevraient une subvention assise sur la perte d’excédent d’exploitation, gonflée par leurs charges constituées notamment par les loyers dus… alors même qu’ils ne s’acquitteraient pas réellement de cette charge !
Selon nous, un tel choix de gestion de leur part s’opposerait frontalement à l’esprit du décret portant création de cette subvention et nous ne manquerions pas d’interpeller le Gouvernement sur cette problématique.
Cabinet Gobert & Associés
www.gobert-associes.fr
[1] Décret n° 2021-310 du 24 mars 2021
[2] Article 1-I-2° du décret.
[3] Annexe I du décret.