La question écologique et l’organisation des transports conduisent les collectivités à mener une politique engagée pour promouvoir les solutions alternatives à la voiture individuelle. Leur objectif est de proposer une offre de mobilités actives en complémentarité des transports en commun au sein d’espaces urbains apaisés. Les solutions de mobilités personnelles comme les trottinettes électriques ou encore le vélo sont des outils au service d’une mobilité propre qui peuvent servir à l’apaisement des centralités urbaines et au mieux vivre ensemble. Encore faut-il (et vite !) encadrer l’usage de ces engins motorisés qui, depuis plusieurs mois, pullulent dans les grandes villes de France.
Les pouvoirs publics constatent en effet béatement que leur développement « s’est fait de manière très rapide et un peu anarchique« , selon la Ministre des Transports, alors que les accidents se multiplient.
1. Il faut imposer aux détenteurs de trottinettes les textes applicables en matière de circulation et de stationnement pour les véhicules terrestres à moteur
Les collectivités disposent des textes nationaux et locaux permettant d’encadrer l’usage des trottinettes électriques en libre-service sur leur territoire.
En tant qu’autorité de police municipale, le maire détient notamment un pouvoir de police en matière de circulation et de stationnement sur toutes les voies au sein de son agglomération. Il peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique et autres lieux publics, sous réserve que cette autorisation n’entraîne aucune gêne pour la circulation et la liberté du commerce (art. L.2213‐ 6 CGCT).
La police municipale, sous l’autorité du maire, « a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques » (article L.2212‐2 du CGCT). Dans ce cadre, il peut faire procéder à la mise en fourrière des véhicules gênants ou faire évacuer les objets encombrant la voie publique, et sanctionner leur propriétaire.
En outre, le règlement sanitaire départemental insiste sur l’interdiction de déposer des objets de toute nature sur l’espace public s’ils sont susceptibles d’obstruer tout ou partie de la voie publique.
Le Plan de mise en Accessibilité de la Voirie et des Espaces publics (PAVE) qui rappelle la réglementation nationale en faveur des personnes à mobilité réduite, insiste notamment sur le respect de la largeur minimale du cheminement de 1,40 mètre libre de tout obstacle éventuel.
Le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dispose dans son article L 2213‐3 que « le maire peut, par arrêté motivé, instituer à titre permanent ou provisoire, pour les véhicules affectés à un service public et pour les besoins exclusifs de ce service (…) des stationnements réservés sur les voies publiques de l’agglomération ».
Certaines collectivités disposent d’une Plan de Protection de l’atmosphère (PPA) qui impose la mise en œuvre de mesures significatives visant à réduire les émissions polluantes, compte tenu des conditions atmosphériques particulièrement difficiles.
Le Code de la Route, par son article R. 412‐34, assimile à des piétons les utilisateurs d’EDP non motorisés (trottinettes, skate‐board, rollers), qui peuvent donc circuler sur les trottoirs et sur les autres espaces autorisés aux piétons. En revanche, les EDP motorisés appartiennent à la catégorie des véhicules terrestres à moteur, comme le relève la jurisprudence (Cass. Civ. 2ème, 17 mars 2011, n° 10-14.938, CA NIMES, 23/02/2010, RG n° 08/00062).
Par voie de conséquence leur circulation sur la chaussée publique leur est interdite, leur circulation sur le trottoir est tolérée sous réserve de respecter la vitesse du piéton (6 km/h maximum).
Enfin, outre les textes en vigueur, il est prévu, comme à l’accoutumé, de légiférer sur ce thème. La loi d’orientation des mobilités en cours de discussion au Parlement entend donner la possibilité aux communes d’instaurer un régime d’autorisation préalable pour les opérateurs qui installent dans les rues un service de mobilité en « free-floating ». Le gouvernement semble préférer la voie d’un décret visant à réguler l’usage de ces engins motorisés. Ce projet de décret va être présenté au Conseil national d’évaluation des normes, puis au Conseil d’Etat. Cette nouvelle réglementation devrait entrer en vigueur en septembre 2019.
Toutefois, vu l’urgence, même si le cadre réglementaire national qui encadrera les conditions de circulation de ces engins est amené à se structurer, il appartient aux grandes villes concernées, à l’instar de Paris ou Marseille, de fixer sans attendre un cadre d’évolution de ces nouveaux modes de mobilité dans l’espace public.
2. Quelles modalités d’installation, de stationnement et d’exploitation des trottinette électriques dans l’espace public
Quelques exigences, non exhaustives, doivent nécessairement être mises en place rapidement afin de retrouver une certaine sérénité sur les trottoirs et voies communaux.
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L’accessibilité des trottinettes électriques conduit à s’interroger sur le lieu de mise à disposition des véhicules : il est nécessaire que la commune exige de l’opérateur que les véhicules doivent être mis à disposition dans des espaces facilement accessibles et identifiables, utilisables en « libre‐service » et doivent pouvoir être remisés à tout moment sur ces mêmes espaces, à l’instar des vélos en libre-service… c’est malheureusement le prix à payer pour un stationnement maîtrisé et ordonné.
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La sécurité : l’opérateur en charge d’organiser un service de location de trottinettes en libre-service doit s’engager à promouvoir systématiquement auprès de ses usagers les meilleures pratiques en matière de sécurité. A ce titre, il s’engage à indiquer la nécessité de porter des équipements nécessaires à leur protection (casque, gants, …), et à leur rappeler les règles de comportement à adopter en conditions de circulation dans l’espace public pour leur sécurité et celles des autres usagers.
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Le respect de l’espace public : c’est à l’opérateur, dans le cadre d’une mise à disposition sans station, qu’il doit revenir la responsabilité d’organiser le stationnement des véhicules dans l’espace public afin de prévenir toute obstruction, danger ou gêne à la circulation publique des piétons ou des autres véhicules. En application de l’article L. 2122-1-4 du Code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), la commune donnera une autorisation d’occupation du domaine public par le biais d’une convention d’Occupation Précaire du domaine public signée par l’opérateur et la commune, sur le principe du paiement de la redevance d’occupation du domaine public prévue par délibération du Conseil Municipal.
Ce faisant, l’opérateur devra s’engager à mobiliser du personnel en nombre suffisant pour intervenir autant que de besoin pour repositionner les trottinettes sur les points identifiés et validés préalablement avec la commune. Il devra s’obliger à repositionner ses trottinettes sur les zones de concentration au minimum une fois par jour.
Il devra intervenir sans délai, et par tout signalement, afin de récupérer les trottinettes endommagées, évitant ainsi l’encombrement de l’espace public par des véhicules détériorés ou rendus à l’état d’épave.
Afin de responsabiliser l’opérateur propriétaire, la commune, en cas de constatation de véhicules laissés à l’abandon sur l’espace public ou gênant la circulation des autres usagers (véhicules, piétons, …), favorisera le recours à un signalement à l’opérateur. Toutefois elle se réserve le droit de mettre en fourrière sans préavis les véhicules causant un trouble manifeste à la circulation publique, en application de ses pouvoirs de police. L’opérateur pourra récupérer les véhicules mis en fourrière selon les modalités usuelles et le paiement des frais associés, au tarif en vigueur.
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Traçabilité des usagers : efficacité oblige, l’opérateur devra mettre en œuvre les moyens de traçabilité des usagers utilisant ses véhicules, facilitant ainsi la gestion des procès‐verbaux ou des dommages éventuels.
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Prévention des risques et assurance : l’opérateur s’engage à souscrire les assurances couvrant à minima les dommages causés au tiers.
Sur ce dernier point, nous vous renvoyons à notre article intitulé « Accident de la route : absence d’assurance pour les conducteurs de trottinettes électriques » (accessible sur le site internet : www.gobert-associes.com)
Ces règles ou exigences retenues en contrepartie de l’utilisation du domaine public doivent être mises en œuvre sans délai ; bien entendu, il conviendra aux collectivités de tenir compte de l’évolution du cadre réglementaire national. Mais rien ne leur empêche d’ores et déjà d’encadrer et de réguler ce nouveau service ; il est même urgent qu’elle le fasse : le domaine public ne peut être pris en otage par quelques opérateurs peu scrupuleux !!!
Nicolas FOUILLEUL
Avocat associé